Ce n’est ni un coup de pub, ni une opération de marketing pour soigner l’image des actionnaires de la Unibank, lâche Carl Braun, la main sur le coeur. Pour les 20 ans de la banque, de leurs dividendes, ces actionnaires, des mécènes, plus pragmatiques que radins, se privent de gala d’anniversaire, de caviars, de champagne, de vins millésimés pour faire un don de 1 million de dollars us à un fonds spécial pour l’éducation que gère la fondation Unibank.
« On a voulu faire une oeuvre qui vaille », explique Carl Braun, ajoutant, le débit tranquille, que « le capital humain est le capital le plus précieux ». Il n’y a pas de progrès sans augmentation de l’offre d’une éducation de qualité, renchérit le président du conseil d’administration de la Unibank, au Ritz, devant un public de convertis composé de recteurs d’universités, de directeurs de lycées, de religieux et laïcs engagés dans l’éducation de plusieurs générations d’Haïtiens et d’Haïtiennes.
Le déclin du système éducatif est évident et les besoins immenses. Ces mécènes envisagent d’augmenter leurs dons, selon Carl Braun, appelant avec une pincée d’urgence d’autres institutions du secteur privé des affaires à emboîter le pas, à faire du « mécénat dans l’éducation ». Cette année, une trentaine d’institutions, dont l’UEH, les universités Quisqueya, Notre Dame, des écoles congréganistes, des lycées à travers la république bénéficieront de financement de ce fonds pour réaliser des projets « utiles et durables », souligne Carl Braun, bourré de préjugées positifs. Des lycées de jeunes filles du pays seront en pôle position, révèle-t-il, avouant calquer le « modèle Unibank ». 50 % du personnel de la première banque d’Haïti et 13 ème en capital dans la Caraïbes sont des femmes, explique le banquier des 30 dernières années qui compte dans son album de famille des bébés conçus d’amour comme la Sogebank, Capital bank, BCI, Sofihdes, Capital consul. Deux écoles professionnelles sont aussi sur les tablettes. La formation professionnelle n’est plus ce qu’elle était en Haïti il y a 50 ans et c’est l’un des entraves à la croissance économique du pays, souligne Carl Braun, pressant dans ses appels au rassemblement pour former les générations futures.
Carl Braun et ses pairs du conseil d’administration de la Unibank où les décisions sont prises-non par vote mais par consensus-font plus que sonner le « lanbi du ralliement ». Ils jettent un pavé dans la marre, initient une révolution. Ce don, pour l’éducation, selon Jacky Lumarque, « est une révolution pour briser le cercle infernal du sous-développement en Haïti ». Jacky Lumarque, mathématicien, sort les chiffres qui dimensionnent le problème et précisent l’urgence des actions à entreprendre. Chaque jour, 800 enfants naissent en Haïti. Seulement 7 feront des études supérieures. Sur ces 7 diplômés, entre 5 et 6 émigreront au Canada, aux Etats-Unis et ailleurs dans le monde. L’objectif est de créer les conditions pour arrêter progressivement cette saignée, cet exode de cerveaux, indique-t-il, rappelant la nécessité de continuer à miser sur les jeunes, pour les impliquer, pour les responsabiliser, les fidéliser. A l’Université Quiqueya, on est sur la voie. 3 des 6 doyens de différentes facultés de cette université sont d’anciens étudiants revenus au pays, confirme Patricia Camilien, directrice des affaires étudiantes et du volontariat social à l’UniQ.
Jean Vernet Henry, recteur de l’UEH, 27 000 étudiants, entre émotion et reconnaissance à l’égard de la Unibank, souligne lui aussi que « la valeur d’un pays résulte du niveau d’éducation de son peuple ». Il invite d’autres à suivre l’exemple Unibank. Comme s’il s’était passé le mot, monseigneur Pierre André Pierre, remercie lui aussi et prône le rassemblement du corps des enseignants pour « relever le défi de la refondation du système éducatif ». Sans s’exprimer, le sourire de la satisfaction, sur les visages, était accroché. Grâce à ce fonds, les bénéficiaires pourront faire l’acquisition d’équipements et de matériels pour les laboratoires scientifiques, créer ou renforcer des bibliothèques. Ou, de manière spécifique, octroyer des bourses d’excellence à des étudiants économiquement défavorisés. Des projets visant à mettre en place des chaires spécialisées peuvent aussi être financés.
43 succursales disséminées sur l’ensemble du territoire, 900 000 clients en Haïti et 275 000 à l’étranger, la Unibank, très impliquée dans la promotion de l’art, de la culture et maintenant de l’éducation, est une entreprise socialement responsable, soutient ses dirigeants. « Faisons route ensemble » n’est pas qu’un slogan, c’est une réalité, affirment-ils, 20 ans après avoir démarré leurs opérations avec une succursale, 29 collaborateurs et 93 clients le premier jour. Mais le plus important, c’était la mise en commun des savoirs pour servir ce projet, cette banque aujourd’hui numéro un de la place. Ah…l’éducation…